Aïcha Khatri Bahij, 58 ans, est éducatrice familiale et déléguée centrale FO à la Fondation Action Enfance, structure qui accueille, dans des villages d’enfants, des fratries victimes de maltraitance. Elle est dans la dernière ligne droite pour la campagne des élections CSE qui se tiendront fin mai.

T ous les mois, Aïcha prend sa valise et quitte son domicile du Pas-de-Calais pour se rendre à Cesson, en Seine-et-Marne, dans le village d’enfants et d’adolescents géré par la Fondation Action Enfance. Elle y passe huit jours en immersion totale, nuits comprises, avant de rentrer chez elle pour six jours de repos. Les enfants restent dans leur maison et ce sont les éducateurs qui se relaient pour prendre soin d’eux et les accompagner, explique l’éducatrice familiale. Cette prise en charge dans la continuité leur assure une certaine stabilité. C’est important par exemple que ce soit la même personne qui les couche et les réveille le lendemain matin. La Fondation, anciennement Mouvement pour les Villages d’Enfants, gère une quinzaine de villages où sont accueillis des frères et sœurs en danger, placés par la justice pour une durée d’une à plusieurs années. Aïcha y travaille depuis vingt-sept ans. Elle est à mi-temps depuis la naissance de ses deux paires de jumeaux, aujourd’hui âgés de 18 et 20 ans. C’était très compliqué avec quatre enfants, mais j’ai continué à travailler huit jours par mois, c’était même vital de sortir de la maison, plaisante-t-elle. Ses enfants ont grandi mais elle a conservé ce rythme, qui lui a notamment permis de s’engager syndicalement et de se rendre disponible pour ses collègues. Elle a réalisé récemment que la culture du militantisme lui avait été transmise par son père, mineur de fond dans les houillères et syndicaliste. Elle a adhéré à FO en 2012. Je voulais rentrer dans une organisation pour défendre les salariés, mais où j’avais aussi la possibilité de donner mon opinion et de ne pas être d’accord, explique-t-elle. Ça me plaît de débattre pour trouver ensuite un consensus. Elle se bat aussi pour préserver les acquis en matière de droit du travail, que les gouvernements successifs tentent de mettre à mal.

Remise en cause des 35 heures

Pour l’heure, Aïcha se consacre aux élections CSE, avec un premier tour le 23 mai. FO, syndicat leader au sein de la Fondation avec 73 % des voix lors du précédent scrutin, présentera cette année pour la première fois une liste dans le collège cadres. Parmi les problèmes dans le travail, la militante pointe un turn-over important chez les personnels, ce qui perturbe à la fois les jeunes et les équipes en place. Aïcha dénonce aussi les conditions de travail et de rémunération, et notamment la disparition progressive des postes éducatifs en contrats de 35 heures. Une dérogation permet à la Fondation d’avoir des plannings en forfait jour, explique-t-elle. Dès qu’un poste d’éducateur en 35 heures se libère, la direction le remplace par un poste d’éducateur familial dont le temps de travail est calculé en jours. Et on se retrouve à travailler plus longtemps pour un même salaire conventionnel. Une autre bataille concerne la prime Ségur de 183 euros. Si les éducateurs l’ont enfin obtenue en 2022 après un long bras de fer, FO la revendique pour les autres personnels, secrétaires, agents de service… sans qui les villages ne pourraient pas fonctionner. L’an dernier, les salariés exclus de la revalorisation ont reçu une prime compensatrice de 1 200 euros, mais c’est insuffisant et rien ne dit qu’elle sera pérenne.

Clarisse JOCELIN – Journaliste à L’inFO militante

 

Le 5 mai 2023