Dès son apparition organisée au XIXe siècle, le syndicalisme indépendant a dû se défendre contre deux ennemis : les partis politiques qui voulaient en faire une simple courroie de transmission dans la classe ouvrière et l’État qui voulait en faire un corporatisme contrôlable et contrôlé.

Ces sont les États totalitaires qui vont essayer de museler l’émergence du mouvement syndical. Au départ, il s’agit purement et simplement de l’interdire, puis de l’encadrer et de le contrôler dans le cadre du corporatisme.

Sur le plan théorique, le corporatisme d’État entend que les corporations des activités productives et distributives, les ordres et les corps des autres professions, soient les rouages d’un mécanisme politique et mènent une action conforme à la politique générale définie par l’État lui-même ou par un parti unique. Dans ces conditions, l’État crée toutes les institutions de collaboration économique et sociale, en définit les structures, les obligations et pouvoirs, nomme les dirigeants, entérine ou rejette les décisions prises, définit les pouvoirs d’impulsion et de sanction, qu’il accorde au parti dominant, souvent unique.

LES DICTATURES CONTRE LES SYNDICATS

Le corporatisme d’État apparaît dans l’Italie mussolinienne dès 1922. Ce fut d’autant plus facile que pour de grands cadres du syndicalisme italien, l’ancien dirigeant socialiste Mussolini était assimilé à une image anti-capitaliste. Ils durent vite déchanter, Mussolini ayant rapidement besoin du grand capital et des grands propriétaires terriens pour asseoir le pouvoir fasciste naissant. Les militants récalcitrants au syndicalisme fasciste vont être réprimés, quand ils ne seront pas emprisonnés, voire assassinés.

Quatre ans plus tard, les fascistes portugais avec Salazar prennent le pouvoir et instaurent le corporatisme. Les syndicalistes portugais qui ne sont pas arrêtés se réfugient en Espagne auprès de la puissante Confédération Nationale du Travail espagnole.

Le 4 août 1936, le général Métaxas prend le pouvoir en Grèce, interdit tous les partis politiques et l’importante GSEE (Confédération Générale du Travail de Grèce). Les dirigeants syndicaux sont quasi tous arrêtés. Certains passeront entre les mailles du filet et rejoindront la clandestinité puis les maquis dès le début 1942. En tant que syndicalistes, ils auront une place importante dans la direction de la résistance (EAM-ELAS), en particulier dans l’organisation civile et militaire dans les villes.

Mais l’affrontement le plus violent aura lieu en Espagne dès juillet 1936 avec le pronunciamiento de Franco, soit sa déclaration d’opposition au gouvernement. La suite, on la connait, le soulèvement militaire entraînera une guerre féroce avec un déchaînement d’horreurs et d’exactions des nationalistes franquistes (soutenus notamment par l’Allemagne nazie, l’Italie et le Portugal fascistes) contre les Républicains. La dictature de Franco s’imposant en 1939 avec sa chape de plomb mise sur les libertés.

En France, le 4 octobre 1941, Pétain proclame « La charte du travail » qui abolit les syndicats. La notion d’État français remplace la « République française ». Mais dès le 15 novembre 1940, trois dirigeants de la CFTC et neuf Confédérés, dont Pierre Neumayer ou encore Oreste Capocci qui prendront part à la création de FO, signent le « Manifeste des douze », début de la résistance syndicale. Les signataires, encore pour quelques semaines dans la légalité, réaffirment la mission purement économique et sociale du syndicalisme, son indépendance et son rejet de l’antisémitisme.

Hitler, Franco, Salazar et Pétain étaient tous adeptes du corporatisme pour affaiblir puis interdire les syndicats, force d’opposition incontournable face au totalitarisme de tout poil.

Christophe CHICLET – Journaliste à L’inFO militante

Le 5 juin 2022