Lech Wałęsa en 1990. Foto : Fortepan / Erdei Katalin / CC BY-SA

Moins connu de l’opinion publique que les grands politiciens et les grands artistes, le mouvement syndical a fait émerger des personnalités d’exception et qui ont compté dans l’histoire du mouvement ouvrier.

Lech Walesa
Né le 29 septembre 1943
Le petit électricien des chantiers navals de Gdansk est sans nul doute le plus célèbre des syndicalistes de la fin du XXe siècle. À lui seul, il est un des symboles de la chute de l’empire soviétique.
Le jeune Lech n’a pas connu son père. Ce dernier a été arrêté par les nazis juste avant sa naissance. Électricien qualifié, il intègre les chantiers navals de Gdansk en 1967. Bastion de la contestation ouvrière en 1956, 1968 et 1970, ils entrent en grève en juillet 1980 après une augmentation de 100% du prix de la viande. Anna Walentynowicz et Lech prennent la tête du mouvement. Rapidement, ils obtiennent une augmentation de salaire de 1 500 zlotys. Walesa, catholique pratiquant, soutenu en sous-main par l’église qui le modère, accepte. Anna refuse, elle est alors licenciée. C’est l’étincelle qui va mettre le feu aux poudres : 10 millions de grévistes dans tout le pays. Les chantiers sont rejoints par les intellectuels membres du KOR [1] et posent les fondements du premier syndicat libre « Solidarnosc ». Le 31 août, c’est Walesa qui signe les fameux « accords de Gdansk », avec sa grosse moustache et un énorme stylo. Pour la première fois dans le bloc de l’Est, un syndicat indépendant est autorisé. Mais il est arrêté avec tous les cadres du syndicat dans la nuit du 13 au 14 décembre, lors du coup d’État du général Jaruzelski. Protégé par le pape polonais Jean-Paul II, il est libéré en novembre 1982 et reçoit le prix Nobel de la paix l’année suivante. Solidarnosc est relégalisé en 1987 et Walesa est élu président de République aux premières élections libres en 1990. Il pratique une politique sociétale ultra catholique [2], ce qui lui vaut sa défaite aux présidentielles de 1995. En août 2006, il quitte officiellement Solidarnosc.

 

Farhat Hached
2 février 1914-5 décembre 1952
Avec son « certif » en poche, il devient convoyeur à la Société du transport du Sahel en 1930 où il crée une section de la CGT. Remarqué par Albert Bouzanquet [3], il gravit les échelons de la CGT de Tunisie. Son ardeur militante lui vaut un licenciement en 1939. En 1943, à la libération du joug nazi-vichyste du pays, il dirige l’Union régionale CGT de Sfax. Au congrès de l’UD CGT de Tunisie en mars 1944, il claque la porte car la maison mère ne se prononce pas pour l’indépendance du pays. Or, Farhat, dès le début a inscrit le mouvement syndical dans la lutte pour l’indépendance : indépendance nationale et sociale.
En novembre 1944, il fonde l’Union des syndicats libres du sud, et quelques mois plus tard, l’Union du nord. Ces deux syndicats s’unissent le 20 janvier 1946 pour donner naissance à l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) dont il devient le premier Secrétaire général. Il travaille alors de concert avec le Néo-Destour de Bourguiba pour l’indépendance. Quand ce dernier est arrêté, c’est Farhat qui organise les groupes armés. En avril 1952, il est à l’ONU à New-York pour plaider la cause de l’indépendance tunisienne. Pour la France, c’en est trop. Il tombe dans un guet-apens le 5 décembre 1952 en rentrant chez lui à Radès, dans la banlieue sud de Tunis. Assassinat signé de la « Main Rouge » [4]. Farhat Hached fait partie des milliers de syndicalistes trop souvent anonymes assassinés dans le monde arabo-turco-iranien.

 

Eugène Debs
5 novembre 1855-20 octobre 1926
Fils d’immigrés républicains alsaciens, il devient chauffeur de locomotive (l’homme qui alimente la chaudière en charbon) dès 1871. Quatre ans plus tard, il participe à la fondation du syndicat des chauffeurs dont il devient le Secrétaire général en 1890. Mais l’homme voit plus loin que sa simple corporation. C’est ainsi qu’en 1893, il fonde le premier syndicat industriel américain : l’Union américaine des chemins de fer. Un an plus tard, ce syndicat gagne sa première grève. Il est condamné à six mois de prison et le New York Times le traite d’ennemi de l’Humanité ! Parallèlement au syndicalisme, il est le candidat du Parti socialiste d’Amérique aux présidentielles de 1900, 1904, 1908, 1912, 1920, tout en restant méfiant vis-à-vis des marchandages politiques. Il parle même de « socialistes d’égout ». Le 27 juin 1905, il est l’un des fondateurs des IWW (Travailleurs industriels du monde) [5], le seul syndicat ouvertement revendicatif des États-Unis, rejoint par des militants anarchistes et socialistes. Debs y dénonce l’AFL qui accepte le capitalisme, mais rejette aussi le sabotage prôné par certains anarchistes. Antimilitariste, il passe deux ans en prison de 1919 à 1921.

CHRISTOPHE CHICLET, JOURNALISTE L’INFO MILITANTE

Notes

[1] KOR : Comité de défense des ouvriers, avec entre autres le grand historien Bronislaw Geremek (1932-2008) et l’écrivain Tadeusz Mazowiecki (1927-2013).

[2] Restriction de l’avortement, fin de l’éducation sexuelle à l’école, remplacée par des cours de religion…

[3] Voir le : « Les grandes figures du syndicalisme français », 9 août 2020.

[4] La Main Rouge est en réalité un cache-sexe du SDECE, les services d’espionnage militaire de la France. Elle assassinera des indépendantistes algériens et des « porteurs de valise », mais va échouer contre Michalis Raptis-Pablo.

[5] Le grand révolutionnaire socialiste et syndicaliste irlandais, fusillé par les Britanniques en 1916, James Connolly, était l’un des fondateurs de ce syndicat qui a pris comme emblème le chat noir, comme la CNT.

Le 23 août 2020