Mercredi 1er février 2023, le projet de loi sur l’asile et l’immigration a été présenté en Conseil des ministres. Il devrait être présenté au Sénat en mars puis à l’Assemblée nationale avant l’été. Ce 22ème texte en 30 ans confirme une fois de plus l’érosion des droits des personnes exilées en France. Décryptage.

Depuis 30 ans, les textes relatifs à la politique migratoire de la France se succèdent et ont toujours les mêmes conséquences : le recul des droits des personnes exilées et la détérioration de leurs conditions d’accueil. Ce nouveau  projet de loi présente donc peu de surprise dans sa manière d’appréhender une situation qui continue au fil des décennies d’être considérée, à tort, comme un « problème » ou une « question à régler ».

Le système de l’asile et de l’accueil en France dysfonctionne depuis de nombreuses années. Avant un nouveau projet de loi, c’est tout d’abord un respect des droits déjà prévus par le droit national, européen et international qui est nécessaire pour améliorer la situation dramatique sur le terrain : des personnes contraintes de vivre sous des tentes au cœur de nos villes, des atteintes graves aux droits fondamentaux à nos frontières – pour ne citer que ces problèmes. Dans l’attente de ces mesures de fond, nous souhaitons voir évoluer le projet de loi proposé par le gouvernement à l’occasion du débat parlementaire qui s’ouvrira.

La collégialité des juges, gage d’impartialité, supprimée

Aujourd’hui, à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), la décision de protéger une personne exilée en lui donnant l’asile ou de rejeter sa demande est le plus souvent prise par une formation collégiale de trois juges. Parmi les trois juges, la présence d’une personne nommée par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) fait aujourd’hui la spécificité de la CNDA. C’est un acquis précieux car beaucoup ont une expertise sur les pays d’origine, qui permet de mieux comprendre les raisons pour lesquelles la personne est en exil.

Qu’est-ce que la Cour nationale du droit d’asile ?

La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est une juridiction administrative spécialisée qui examine les recours formés contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en matière de demande d’asile.

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est l’autorité compétente pour accorder le statut de réfugié et prendre les décisions qui s’y rapportent (retrait, réexamen). En cas de contestation de la décision de l’OFPRA, la CNDA peut réexaminer la totalité du dossier du demandeur d’asile et statuer à nouveau sur sa requête.

La décision de la CNDA remplace celle de l’OFPRA. Elle peut faire l’objet d’un pourvoi devant le Conseil d’État. Ce recours est non suspensif, c’est-à-dire qu’il ne peut empêcher l’expulsion de la personne déboutée de sa demande d’asile. La CNDA possède aussi une compétence consultative pour les requêtes qui lui sont adressées par les réfugiés visés par une mesure d’assignation, d’expulsion ou de refoulement.

Sources : www.vie-publique.fr

Le projet de loi prévoit la généralisation d’un juge unique à tous les recours fait par des personnes demandant l’asile devant la CNDA, sauf en cas d’affaire particulièrement « complexe ». Un juge seul, et non trois, aurait alors la responsabilité de décider d’accepter ou de refuser la demande d’asile, donc de décider seul de la vie de nombreuses personnes.

Un véritable recul pour les personnes qui demandent l’asile en France ! La présence de trois juges permet de croiser les regards et d’éviter de se laisser guider par des représentations personnelles pour juger de la crédibilité et la cohérence du récit. Cette collégialité est un gage d’impartialité.

Une journée d’audience, ce sont 13 dossiers examinés, 13 histoires de vie très différentes : d’un opposant politique sri-lankais, à une jeune fille fuyant l’excision en Guinée, en passant par des persécutions liées à l’orientation sexuelle… Trois juges ne sont pas de trop lorsqu’il s’agit de traiter de dossiers si sensibles. De nombreuses personnes qui demandent l’asile jouent leur vie et leur sécurité à ces audiences.

L’enfermement administratif des enfants

Enfin une bonne nouvelle… Après l’enfermement de milliers d’enfants en raison de la situation administrative de leurs parents, après neuf condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme et après des années de campagne des associations, le gouvernement envisage dans cette loi d’interdire enfin l’enfermement des enfants en centre de rétention administrative (CRA).

Cette mesure concerne les CRA , mais, comme nous le redoutions, elle ne concerne pas les locaux de rétention administrative (LRA) et les zones d’attente. Donc des enfants continueront à être enfermés dans des lieux de privation de liberté. De plus, les mineurs de 16 à 18 ans ne sont pas concernés par la mesure, ce qui est tout bonnement contraire au droit international.

Nous restons aussi préoccupés par les déclarations du ministre de l’Intérieur souhaitant exclure les enfants de Mayotte de cette interdiction. En 2021, ce sont pas moins de 3 135 enfants qui ont été enfermés en centre de rétention et 76 en France hexagonale selon La Cimade.

Quelle est la différence entre un CRA et un LRA ?

Les centres de rétention administrative (CRA) sont des bâtiments où sont retenus toutes les personnes étrangères en attente de leur expulsion du territoire français. Le temps passés dans les CRA est de 90 jours maximum et ils sont gérés par la police aux frontières (PAF).

Les locaux de rétention administrative (LRA), moins grands que les CRA, sont utilisés pour retenir des personnes étrangères en situation irrégulière en vue de leur expulsion du territoire français. Un LRA c’est par exemple une pièce dans un commissariat. Généralement, les personnes y restent maximum 48 heures avant d’être placées en CRA.

Contrairement aux CRA, les LRA ne prévoient pas le même accès aux droits pour les personnes enfermées. Par exemple, aucune association de défense des droits des étrangers n’est présente dans les locaux.

Le 15 mars 2023