Pour défendre leurs conditions de travail, menacées par un projet de révision de l’accord sur le temps de travail, les salariés de l’Adapei 72, qui accompagnent dans la Sarthe les enfants et les adultes déficients intellectuels, ont engagé depuis cinq semaines une grève tournante à l’appel de FO et de deux autres syndicats. Les organisations doivent rencontrer, lundi 7 février, la présidente de l’association.

Nous exigeons le retrait du projet de la direction, et ce n’est pas négociable !, tonne Alain Billeau, délégué syndical FO de l’Adapei de la Sarthe. A la cinquième semaine du mouvement de grève tournante engagé dans les 48 établissements de l’Association départementale des amis et parents de personnes ayant un handicap mental (Adapei), à raison de deux grèves par semaine, la détermination des salariés à défendre leurs conditions de travail reste intacte. Ce vendredi 5 février après-midi, drapeaux et brassards aux couleurs de FO étaient encore de sortie, cette fois devant l’IME (institut médico-éducatif) Vaurouzé au Mans, où l’intersyndicale regroupant FO et deux autres organisations appelait au rassemblement.

Ce projet nous renvoie vingt ans en arrière !

Elle dénonce le projet de révision de l’accord sur le temps de travail, en vigueur depuis 1999. La nouvelle direction générale, qui l’a élaboré, y prévoit la suppression de 15 jours de congés annuels accordés aux 500 salariés travaillant au pôle adulte (sur un effectif total de 1.300 salariés).

Elle veut également augmenter l’amplitude horaire quotidienne, qui passerait de 13 à 15 heures, soit le maximum autorisé dans les établissements sociaux et médico-sociaux de droit privé à but non lucratif. Sur le papier, cette amplitude permettrait à un même salarié d’assurer le lever des résidents à 7 heures du matin et leur coucher à 22 heures.

Ce projet nous renvoie vingt ans en arrière ! Il fait fi des réalités de terrain, et a été élaboré sans concertation avec les directions d’établissement qui soutiennent notre mouvement. Ce qui est en jeu dans la défense de nos conditions de travail, c’est la qualité de l’accompagnement que nous proposons et que nous serons demain en capacité, ou non, de proposer. Nous ne lâcherons pas, martèle Alain Billeau. Des arguments qu’il mettra sur la table, lundi 7 février, lors de la rencontre prévue (pour la première fois depuis le début du mouvement) avec la présidente de l’Adapei 72.

La direction avance masquée

Au-delà de la dégradation des conditions de travail, portée par le projet de révision, l’intersyndicale dénonce l’attitude de la direction, qui a utilisé la fenêtre des négociations annuelles obligatoires (NAO), fin 2020, pour tenter de faire passer une partie de ses propositions. Nous avons failli nous faire piéger. Mais nous nous sommes vite rendu compte que ces propositions dépassaient le cadre des NAO. La direction avance masquée. Le dialogue social est faussé, déplore le militant FO.

Comme les syndicats l’ont constaté, par la suite, les propositions avancées par la direction, dans le cadre des NAO, ne représentaient que… 20 % d’un projet bien plus large. Seulement quarante pages nous avaient été remises, alors que le projet en compte 160 au final, précise le militant FO.

Le CSE a décidé de recourir à un expert-comptable

Dans ce contexte, les motifs budgétaires, que la direction avance pour justifier son projet, suscitent également la défiance syndicale. Et pour cause. Nous avons appris que l’Adapei 72 serait déficitaire en lisant, dans la presse, les déclarations de la direction. Cela n’a jamais été annoncé en comité social et économique ! Et, à notre connaissance, les budgets publics (ceux du Conseil départemental et de l’Agence régionale de Santé (ARS), NDLR) ont été maintenus. Il nous manque des explications, martèle Alain Billeau.

Pour faire la lumière sur la situation financière de l’Adapei 72, le comité social et économique (CSE) a décidé de recourir à un expert-comptable. Le nom du cabinet choisi sera annoncé la semaine prochaine. La direction ne fait que des réponses budgétaires. Nous nous mettons donc en capacité de lui faire aussi des réponses budgétaires. Les questions sont nombreuses : un chargé de patrimoine est-il nécessaire dans une association de loi 1901 telle que la nôtre ?, interpelle le délégué syndical FO.

Peu d’avantages

Selon la direction, les quinze jours de congés accordés chaque année depuis 1999 aux salariés travaillant au pôle adulte – et qu’elle propose aujourd’hui de supprimer – représenteraient l’équivalent de 43 postes, qu’elle n’est pas en mesure de remplacer. Depuis vingt ans, elle n’a jamais exprimé sa volonté de les remplacer, s’étonne Alain Billeau.

Quant aux compensations, elles sont jugées très insuffisantes par l’intersyndicale. A la place de ces 15 jours de congés annuels, la direction propose d’octroyer une prime d’assiduité annuelle, de 600 euros brut. Et, précise le militant FO, le projet prévoit que cette prime sera diminuée de 5 % pour chaque jour d’absence. Si on ajoute les frais de déplacement domicile-travail, non pris en charge, pour ces quinze jours de travail supplémentaires, le compte n’y est pas, commente Alain Billeau, lui-même moniteur d’atelier en ESAT (établissement et service d’aide par le travail) qui effectue 45 kilomètres, aller-retour, pour se rendre sur son lieu de travail.

Pour le délégué, la seule voie de sortie est le retrait du projet de révision du temps de travail. Les salariés de l’Adapei 72 ont de petits salaires et peu d’avantages. Ils n’ont pas de journée enfant malade, pas de treizième mois… Dans ce contexte, ces quinze jours de congés annuels, qui leur permettent de se ressourcer, sont irremplaçables, commente-t-il, rappelant qu’un moniteur d’atelier débute au Smic et termine, en fin de carrière, à 1 800 euros net.

Le 6 février 2021