EN RESISTANCE

A l’approche de cette fin d’année 2022 où notre fédération a eu 50 ans, la résistance des salariés est le maître-mot qui caractérise la situation. Les grèves partout dans tous les secteurs concernant les salaires et les conditions de travail en témoignent. Je pourrais citer celle qui vient de se terminer dans les raffineries, mais aussi celle plus Parisienne de la RATP, celle en défense des lycées professionnels et celle dans un de nos secteurs celui de la « petite enfance ».

Et cela, malgré le bruit des bottes encouragé par ceux qui veulent en finir avec tous nos acquis sociaux comme l’âge de départ à la retraite.

Le 26 octobre 2022, le Président de la République a déclaré : « A partir de l’été 2023, on devra décaler l’âge de départ de 4 mois par an. Donc à horizon 2025, on passera à 63 ans, à horizon 2028 à 64 ans, et à horizon 2031 à 65 ans ».  Il réaffirme qu’il ne dérogera pas à son projet. Il se permet par ailleurs de tenter le leurre de la contrepartie en rajoutant : « les carrières longues qui ont commencé à travailler avant 20 ans » pourraient partir avant l’âge légal.

Fausse contrepartie et leurre puisqu’ actuellement c’est déjà le cas. La reconnaissance de la carrière longue existe déjà, vous pouvez faire valoir vos droits et ainsi partir plus tôt, mais et il y a un mais de taille, avant vos 63 ans la retraite complémentaire est diminuée de 10 % pendant 3 ans.

Dans cette période où l’inflation a atteint les 10 % en un an, perdre ainsi 10 % de pension sur une telle période, peu de retraités peuvent se le permettre. S’ils le font, c’est souvent qu’ils considèrent, et nous en connaissons quelques-uns, que poursuivre le travail dans les conditions dégradées que nous connaissons tous n’en vaut pas la chandelle.

La concertation en cours sur les retraites est bien l’arbre qui cache la forêt, celui de la volonté politique de casser tous nos droits présents à la retraite qui sont bien loin de nos revendications fédérales.

Pour rappel, après être passé en 1993 à 40 ans de cotisations, le système actuel, selon la réforme de Marisol Touraine et de François Hollande de 2014, prévoit, sans toucher à l’âge légal, d’augmenter le nombre de trimestres, au rythme d’un trimestre tous les 3 ans.

Un actif, qui prendra sa retraite en 2035 devra avoir cotisé 43 ans. Et ainsi, même si l’âge de départ pour obtenir une retraite à taux plein sans avoir cotisé suffisamment a été repoussé à 67 ans, la retraite restera amputée d’une partie de son montant, essentiellement sur sa partie complémentaire.

Dès lors que le Président, le 26 octobre dernier, a semble-t-il donné le « la » et sifflé la fin de récréation, comment FO peut préparer au mieux la nécessaire mobilisation en défense de nos retraites, si nous continuons de rester dans une telle « concertation » ? Ne serait-il pas temps d’en sortir ?

Le gouvernement aux ordres de son Président sera prêt, s’il le faut, à passer en force et utilisera, comme il le fait en ce moment à profusion, le bien nommé article 49/3 – alinéa trois de la constitution de la Vème République qui permet au gouvernement un « engagement de responsabilité », qui permet au gouvernement de faire passer le texte qu’il présente, sans vote, sous couvert du rejet de la motion de censure qu’un dixième de l’Assemblée se doit de déposer.

Et d’ailleurs y avait-il sur les retraites quelque chose à discuter ?

Pourtant, comme l’ont écrit les auteurs du dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) « Les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraites ».

Pourtant, notre Secrétaire Général Frédéric Souillot écrivait, fort justement en septembre 2022 dans le droit fil de ce rapport : « ce qui n’était pas un problème financier il y a cinq ans en serait devenu un aujourd’hui ! Ne nous y trompons pas, si le problème n’est pas l’équilibre du système, c’est que l’objectif du gouvernement est ailleurs : détourner les cotisations retraite pour financer d’autres dépenses. C’est ce que la Première ministre a déjà laissé entendre : revaloriser les petites pensions, financer le grand âge… ».

Sinon, question contrepartie nous en connaissons quelque chose à la Fédération, puisque sans revenir trop en arrière mais pour mémoire et parce que c’est notre actualité, la contrepartie du 183 euros net pour certains, et toujours pas pour tous, c’est bien l’ouverture exigée depuis décembre 2020 par le Premier ministre Jean Castex et réaffirmée lors de la conférence du social de 2021, de « l’indispensable » négociation d’un nouveau cadre conventionnel appelé CCUE (Convention Collective Unique Etendue).

Nous résistons, comme nous savons le faire et l’avons toujours fait pour tenter de bloquer un processus que tous veulent mettre en œuvre sauf FO Action Sociale et Santé Privée. Les comptes rendus et nos communiqués en attestent. Notre unité interne est un point d’appui et elle nous sert à créer des majorités d’oppositions, même parfois et de façon très limitée dans le temps avec la CFDT, pour dire.

Comme l’actualité des salariés n’est pas cette question mais bien les salaires et les conditions de travail, nous soutenons bien entendu tous nos syndicats qui tentent d’obtenir satisfaction. Certains d’entre eux témoignent dans ce bulletin de leurs avancées sur les « 183 euros pour tous » et nous savons que bon nombre qui n’en témoignent pas pour le moment ont obtenu des réelles avancés sur cette question. Les employeurs et le gouvernement ne nous en feront pas cadeaux. La preuve s’il en est, nos patrons de l’économie sociale refusent toujours de négocier un accord de Branche qui garantirait les 183 euros pour tous malgré leurs appels à la grève et leur tentative de mettre en place un front corporatiste sur cette question. Pour le moment, ils renvoient à leurs adhérents localement le soin de décider. Nous ne pouvons que dénoncer ce leurre, lorsque l’on connaît le contexte local budgétaire contraint par les Conventions Pluriannuelles d’Objectifs et de Moyens (CPOM) ou les appels à projet.

C’est un recul de leur part qui nous va bien, comme celui qui a permis de revenir à une négociation des valeurs de points et des minimas conventionnels dans les conventions collectives 51 et 66 alors que tout avait été gelé au titre de la CCUE, depuis deux ans.

Même si 3 % c’est bien loin du compte, de mémoire et depuis l’année 1983 celle de l’austérité budgétaire imposée, jamais nous n’avions eu sur la table des négociations un tel niveau de proposition d’augmentation des valeurs de points.

Comme syndicat attaché à « la fiche de paie » et aux cotisations sociales non-exonérées qu’elle contient, seules garantes du financement de nos assurances sociales collectives (Santé, Retraite, Chômage), nous ne pouvons que nous en féliciter même si cette avancée est relative et loin du compte. D’ailleurs, la FEHAP et NEXEM, pourtant syndicat employeur dans la même confédération ne nous ont pas mis sur la table des négociations les mêmes propositions, loin s’en faut.

La peur d’un mouvement social généralisé du fait de la détermination des salariés qui se mettent en grève, avec nos syndicats ou sans eux d’ailleurs, lorsqu’ils en ont pris la décision en assemblée générale, doit y être pour quelque chose.

Et nous nous battons pour que ces 3 % minimum s’appliquent partout dans nos 11 champs de négociations paritaires où concernant les salaires et la mise en œuvre de ce qui a été obtenu dans la fonction publique, on est comme dans l’Aide à Domicile, à un zéro pointé.

Notre Force à la FNAS FO reste bien notre cohérence et notre détermination qui ne date pas d’hier. Elle s’appuie sur les fondements qui ont amené le syndicat autonome SNAIEI à rejoindre le syndicalisme libre, indépendant et confédéré en 1972, s’appuyant sur un nécessaire débat démocratique en congrès, où plus de 80 % des adhérents mandatés ont voté pour.

Nous restons attachés comme nos anciens à construire un secteur professionnel de l’action sociale non lucratif s’appuyant sur des conventions collectives nationales, la formation professionnelle continue diplômante et un financement public égalitaire.

Notre passé et notre présent sont liés. Ils sont un point d’appui pour continuer d’aider les salariés à prendre définitivement conscience qu’ils sont la majorité, qu’ils sont une force et obtenir que l’avenir soit tout autre.

Ils savent qu’ils peuvent compter sur nous pour tout faire pour obtenir satisfaction.

En cette fin d’année qui voit les budgets militaires flamber, partout dans le monde, afin de poursuivre, fomenter et préparer les guerres de demain, nous continuons de ré(clamer) pour notre pays, avec toute l’internationale syndicale et ouvrière : le pain, la paix et la liberté.

« Mais un jour viendra que toutes autant que nous sommes nous travaillerons en liberté »[1]

Il n’y a pas de meilleurs vœux à avoir et à nous souhaiter en cette fin d’année 2022.

 Pascal CORBEX, Secrétaire Général

[1] Extrait de la chanson des mondine, saisonnières qui désherbaient les champs en Italie du Nord

Le 5 décembre 2022