Suite à un arrêté de fermeture, l’union départementale FO du Morbihan a dû évacuer en urgence la Maison des syndicats de Lorient début décembre, sans solution de relogement immédiat. La municipalité essaye de profiter de la situation pour remettre en cause la convention permettant aux organisations syndicales d’être hébergées gratuitement par la Ville. Ce cas est malheureusement loin d’être isolé.

On a pu emporter les documents les plus urgents, mais l’essentiel est toujours sur place, et tous les jours on s’aperçoit qu’il nous manque quelque chose, explique Pierrick Simon, secrétaire général de l’union départementale (UD) FO du Morbihan. C’était très subit et violent. On pensait partir pour seulement quelques jours et ça fera bientôt deux mois.

Le 4 décembre, FO et quatre autres organisations syndicales (OS) ont dû évacuer dans la précipitation la Maison des syndicats de Lorient. Selon les experts, le bâtiment, construit au début des années 1970, est victime du syndrome du pont de Gènes et peut s’effondrer à tout moment. Les équipes des unions syndicales départementales ont eu 48 heures pour récupérer des documents et du petit matériel. Elles avaient l’interdiction de prendre des choses lourdes, pour ne pas risquer d’empirer la situation.

Depuis, l’accès aux locaux leur est interdit. Les serrures ont été changées et le bâtiment est entouré de barrières. Les bureaux resteront inaccessibles au moins jusqu’à mi-février, le temps de construire un solide étayage. Impossible encore de savoir si le bâtiment pourra être réhabilité ou non.

Sans solution de relogement immédiat, l’équipe FO, qui compte trois salariés, s’est mise en télétravail. On ne peut fonctionner que pour une activité minimale, déplore Pierrick Simon. Mon domicile est devenu une annexe de l’UD. J’ai huit cartons de tracts qui viennent d’arriver. La campagne TPE, c’est déjà difficile, alors sans locaux… Mais si on rate ces élections, ça aura des conséquences sur la représentativité.

Une semaine d’attente pour une salle de réunion

Faute de salle de réunion à disposition, le premier stage de formation syndicale prévu en décembre a été annulé. C’est un vrai problème, poursuit-il. Pour réunir le bureau, il faut quémander une salle à la mairie, au même titre que le club de volley du coin. Et il y a un délai d’une semaine pour la réponse. Tout cela est très usant.

La municipalité a proposé aux OS un relogement provisoire, dans des locaux plus petits. FO passera de 450 à 180 m², sans salle de réunion. Mais avant l’emménagement, la Ville exige la négociation d’une nouvelle convention de mise à disposition des locaux, la précédente datant de 1972. Et c’est là que le bât blesse. La Ville a proposé une convention qui n’est pas acceptable en l’état, aucune organisation syndicale n’a voulu la signer, explique Pierrick Simon. Elle porte sur une solution provisoire pour un an. Ensuite, on risque d’être à la rue, ou de ne plus être logés gratuitement, de devoir payer les fluides ou un loyer. Pour la Ville, c’est une trop belle occasion de remettre en cause l’ancienne convention, elle voit le côté économique des choses.

C’est désormais la quatrième version du texte qui est en discussions. La prochaine réunion entre les parties est prévue le 27 janvier. Un emménagement n’aura pas lieu avant début ou mi-février, au mieux. C’est deux mois de perdus quand les salariés ont particulièrement besoin de nous, avec les conséquences sociales de la pandémie, regrette le militant FO.

Dans l’Essonne, un avis défavorable à l’occupation du bâtiment

Depuis des années, nombre de collectivités locales ont tenté de remettre en cause l’hébergement gratuit des OS, un usage républicain en vigueur depuis la fin du XIXè siècle. En Essonne, le secrétaire général de l’UD, Christophe Le Comte, mène un combat de longue haleine. Début 2017, le conseil départemental avait tenté d’expulser les sept OS de la Maison des syndicats d’Evry, en vain. Il avait ensuite essayé de leur faire payer les fluides, le ménage et le gardiennage. FO avait alors lancé une pétition et appelé à un rassemblement. On ne paie pas les fluides, on reste dans les locaux et on perçoit toujours une subvention, mais notre occupation est un peu précaire car la convention a été dénoncée en 2018 par le conseil départemental et il n’y en a pas eu d’autre depuis, explique Christophe Le Comte.

Un ultime rebondissement a eu lieu le 21 janvier dernier. La commission de sécurité, qui inspecte les établissements recevant du public tous les 5 ans, a émis un avis défavorable à l’occupation de la Maison des syndicats. La raison ? Aucun responsable unique de sécurité n’a été désigné. Les organisations syndicales ont refusé cette charge qui demande des moyens et entraîne des responsabilités pouvant aller jusqu’au pénal. Pour l’UD FO 91, ce rôle relève du département.

La problématique n’est pas nouvelle. Elle avait déjà été soulevée lors de la précédente visite de la commission de sécurité, il y a cinq ans. Et elle figure dans le cadre d’une action en cours auprès du tribunal administratif.

Maintenant, le préfet va être saisi et il y a un risque que le bâtiment soit fermé dans les six mois, poursuit Christophe Le Comte. On va écrire au département, au préfet. Je vais rappeler que l’inspection du travail renvoie les salariés vers nos permanences juridiques pour se renseigner. C’est donc que nous sommes d’utilité publique.

Signez la pétition : http://chng.it/vPPVd6kpv8

A Nevers, la Bourse du travail pourrait devenir un hôtel-restaurant panoramique

Dans la Nièvre, cela fait deux ans que l’UD FO vit dans l’incertitude quant à ses locaux. La Bourse du travail a fait l’objet d’une promesse de vente entre la Ville et un mystérieux promoteur, pour un ambitieux projet d’hôtel-restaurant panoramique. Les organisations syndicales hébergées sur place vont devoir déménager, mais aucune date ni lieu ne leur ont encore été communiqués.

Après avoir été bombardée à la Libération, la Bourse du travail avait été reconstruite dans les années 1970 dans l’esprit d’une émancipation économique des salariés, explique Olivier Vavon, le secrétaire général de l’UD FO 58. Nous dégager pour un projet hôtelier, ça fait mal. Mais aujourd’hui, pour la Ville, tout doit être rentable.

Le militant FO a organisé une intersyndicale pour que les organisations syndicales se battent ensemble sur ce dossier, qui fait l’objet de beaucoup de rumeurs. Courriers au maire, conférence de presse… tout a été fait pour obtenir des informations fiables. Mais le dossier semble classé secret défense par le maire, poursuit Olivier Vavon.

Une première réunion a finalement eu lieu en mairie en septembre 2020. Selon FO, alors que les OS souhaitent rester à Nevers, la Ville les a alors informées qu’elle ne disposait pas de locaux permettant de les reloger toutes ensemble. Et on a appris récemment dans la presse qu’on pourrait être relogés ailleurs dans l’agglomération, à Varenne-Vauzelles, mais il n’y a toujours aucune annonce officielle, poursuit le secrétaire d’UD FO 58.

Reste aussi à voir dans quelles conditions se ferait le relogement. Outre la question des locaux, se pose celle des finances. Actuellement FO, ainsi que d’autres organisations, sont hébergées à titre gracieux par la Ville, dans le cadre d’une convention. Dans la presse, le maire a indiqué vouloir désormais une contribution partagée avec le département, ce que ce dernier refuse.

La Ville n’a aucune obligation légale de nous loger gratuitement, et on se retrouve en plus dans une bataille politique avec le département, ajoute Olivier Vavon. Le plus aberrant, c’est que pour faire des économies, cet usage est ou a été aussi remis en cause dans les UD FO voisines, que ce soit la Côte d’Or, l’Yonne ou l’Indre. C’est la fin de l’esprit républicain et des acquis sociaux du Conseil national de la résistance.

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Des règles au bon vouloir des collectivités locales

L’hébergement gratuit des unions départementales et locales des organisations syndicales (OS) par les collectivités ne repose sur aucune texte légal mais constitue un usage ancré dans la culture républicaine. Ce dernier permet aux OS d’avoir les moyens d’exercer leurs activités et doit permettre de favoriser l’accès des salariés à leurs droits. Pour consolider cet usage, un rapport de l’Igas de 2013 avait préconisé la mise en place d’un dispositif législatif obligeant les collectivités locales à mettre gratuitement à disposition des locaux.

Or il n’en est rien. La seule avancée offerte par l’article 27 de la loi Travail d’août 2016 est d’accorder une indemnisation aux organisations syndicales qui perdent soudainement le bénéfice de locaux mis à leur disposition depuis au moins 5 ans, sans solution de relogement. Et encore, sans effet rétroactif. Pour le reste, aucune obligation de mise à disposition de locaux. Il s’agit d’une possibilité, qui reste au bon vouloir des communes, agglomérations, départements et régions.

Clarisse JOSSELIN – Journaliste à L’inFO militante

Le 16 mars 2021