Monsieur le Ministre,

Les organisations nationales de retraité.es soussignées s’adressent régulièrement aux instances nationales et locales afin de sensibiliser l’opinion et les institutions politiques à la situation des
retraités. La pandémie qui a frappé le pays a causé l’effroi et la stupeur chez les 17 millions de retraités. Il est maintenant avéré que le bilan des décès a atteint le niveau des victimes de la canicule de 2003 chez les personnes âgées, particulièrement dans les EHPAD.

L’état d’impréparation dans lequel le pays s’est trouvé pour faire face au virus est attribuable aux politiques budgétaires menées depuis 1995, réduisant les capacités et les moyens des hôpitaux, des maisons de retraite, des services d’aide à domicile. Pour nos organisations, une question se pose : va-t-on poursuivre dans cette voie ? Nous avons pris connaissance du contenu des projets de loi organique et ordinaire. Nous souhaitons vous dire que nous ne sommes en rien rassurés.

Sur la reprise de la dette tout d’abord

Nous sommes inquiets quant à l’annonce du gouvernement précisant que le coût de la crise sanitaire serait repris par la CADES dont la fonction est d’apurer à terme la dette mise à la charge de la Sécurité sociale, en ponctionnant les ressources annuelles des organismes.

En choisissant de faire porter la dette liée au Covid-19 par les organismes de Sécurité sociale, le président et le gouvernement vont faire payer le coût de la crise à la Sécurité sociale et donc aux assurés sociaux. La Sécurité sociale d’un côté, et les services publics de l’autre vont supporter le « coûte que coûte » mis en avant par le président de la République au tout début du confinement.

Le décalage à l’horizon 2033 de l’apurement de la Cades va entrainer la poursuite d’un prélèvement annuel de 17 Md € sur les comptes de la Sécurité sociale.

Sur la prise en charge de la perte d’autonomie ensuite

Les organisations de retraité.es soussignées estiment que la prise en charge de la perte d’autonomie, que ce soit au domicile ou en établissement, doit être du ressort de la Sécurité sociale en intégrant « le droit à l’autonomie » dans la branche maladie de la Sécurité sociale.
Cette prise en charge doit s’inscrire dans le cadre de l’architecture actuelle de la Sécurité sociale, c’est-à-dire à partir de la branche maladie, tout comme les risques maladie, maternité, invalidité, décès, et les AT/MP, et non par une branche supplémentaire comme semble s’orienter la réflexion du gouvernement via un financement spécifique.

Définie comme un état durable de la personne entrainant des incapacités pour réaliser les actes de la vie quotidienne, la perte d’autonomie peut survenir à tout âge et nous estimons qu’elle fait partie des aléas de la vie tout comme la maladie, la maternité, l’invalidité, le décès ou les accidents du travail et les maladies professionnelles. Une branche supplémentaire, comme semble s’orienter la réflexion du gouvernement via un financement spécifique à part, stigmatiserait une partie de la population et fragiliserait son financement alors qu’il s’agit d’un aléa de la vie.

Nous nous inquiétons également des sommes annoncées (2,3 milliards d’euros) pour financer la prise en charge de la perte d’autonomie via une partie de la CSG, en 2024 seulement. Cette somme est notoirement insuffisante : certains rapports chiffraient à 10 milliards en 2030 la couverture des besoins. Nous sommes conscients qu’une amélioration et un élargissement des prises en charge par l’assurance maladie impliquent un renforcement de ses recettes.

Pour cela, nous estimons que ceci doit se faire dans le cadre du salaire socialisé à partir des cotisations sociales, en préservant les ressources de l’assurance-maladie : remise en cause des différentes exonérations de cotisations sociales (27,3 milliards d’euros en 2017) et des paradis fiscaux existants.

Nos organisations rappellent que pour elles, la prise en charge complète de la perte d’autonomie doit s’envisager dans le cadre de la branche maladie de la Sécurité sociale solidaire.

Dans le cadre des rencontres actuelles, Monsieur le Ministre nous sollicitons une entrevue pour pouvoir débattre avec vous de ces questions.

Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre haute considération.

Paris, le 5 juin 2020

Marc Bastide (UCR-CGT, 263 rue de Paris, 93515 Montreuil cedex)
Didier Hotte (UCR-FO, 141 avenue du Maine, 75680 Paris cedex 14)
Marylène Cahouet (FSU, 104 rue Romain-Rolland, 93260 Les Lilas)
Gérard Gourguechon (UNIRS-Solidaires, 31 rue de la Grange aux Belles – 75010 Paris)
Marc Le Disert (FGR-FP, 20 rue Vignon, 75009 Paris)
Francisco Garcia (Ensemble & Solidaires – UNRPA, 47 bis rue Kléber, 93400 St Ouen)
Michel Denieault (LSR, 263, rue de Paris, 93515 Montreuil)

Le 5 juin 2020