Voici un livre d’histoire « à tiroirs » : d’abord il y a l’Histoire, les faits, la chronologie ; puis il y a le travail de l’historien, l’étude des sources, du texte, de ce qu’il dit et de ce qu’il ne dit pas, l’analyse du vocabulaire employé, de son évolution et de la redondance des mots ; enfin, la mise en perspective avec des faits similaires antérieurs et l’évocation du contexte historique général.

L’auteur montre comment un épisode dramatique a pu constituer un ferment et fonder des principes durables. Car c’est une réalité improbable et unique qui se présente en France à partir de 1392 : le roi devient fou et reste pourtant sur le trône pendant trente ans.

À partir du témoignage des contemporains, nous entrons de plain-pied dans les mentalités médiévales et décodons la façon dont l’histoire s’écrit et comment le poids de l’idéologie et de l’opinion publique peut influencer sur la relation des faits.

L’auteur évoque la maladie et les tentatives pour la soigner, ainsi que la façon dont elle a pu être perçue par les contemporains de Charles VI. Il aborde les conséquences majeures de cette situation inédite. L’affirmation des princes et leur rivalité ainsi que les fluctuations de la maladie du roi mettent la France à mal et exaspèrent la violence de l’État. Mais cela aboutit à l’affirmation de la royauté et à la notion de continuité de l’État, renforçant la différence entre autorité royale et personne du roi. D’autre part, les événements attisent la ferveur religieuse des Français, ce qui renforce la construction d’un royaume très chrétien.

C’est ainsi que, malgré les difficultés, la France survit à ce temps de troubles et en ressort grandie.

La folie de Charles VI, Bernard Guenée, CNRS éditions, 271 pages, 10 euros.

Par Corinne Kefes

Le 10 octobre 2020