En France, le droit de manifester est un droit fondamental. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 4 avril 2019 (Conseil constit, 4-4-19, décision n°2019-780), considère que le « droit d’expression collective des idées et des opinions » » découle de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Si l’administration ne peut soumettre une manifestation ou un rassemblement à une autorisation préalable, le code de la sécurité intérieure exige que ce type d’expression collective fasse préalablement l’objet d’une déclaration (art. L 211-1 à L 211-4 du code de la sécurité intérieure). De manière générale, le gouvernement ne peut, de lui-même, par décret, sans qu’une disposition législative lui ait donné compétence à cette fin, même en période d’état d’urgence sanitaire, soumettre les manifestations sur la voie publique à un régime d’autorisation (CE, 15-1-21, n°441265, FO et a. c/Ministère de l’intérieur).

La déclaration est faite à la mairie de la commune ou aux mairies des différentes communes sur le territoire desquelles la manifestation doit avoir lieu, trois jours francs au moins et quinze jours francs au plus avant la date de la manifestation. A Paris, la déclaration est faite à la préfecture de police.

Elle est faite au représentant de l’État dans le département en ce qui concerne les communes où est instituée la police d’État. La déclaration fait connaître les noms, prénoms et domiciles des organisateurs et est signée par trois d’entre eux faisant élection de domicile dans le département ; elle indique le but de la manifestation, le lieu, la date et l’heure du rassemblement des groupements invités à y prendre part et, s’il y a lieu, l’itinéraire projeté. L’autorité qui reçoit la déclaration en délivre immédiatement un récépissé.

Si le fait de participer à une manifestation sur la voie publique non déclarée n’est pas une infraction (Cass. crim., 14-6-22, n°21-81054 : « ni l’article R 644-4 du code pénal, ni aucune autre disposition légale ou réglementaire n’incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée »), le fait d’en être l’organisateur expose cette personne à 6 mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende (art. 431-9 du code pénal).

A l’opposé, le fait de participer à une manifestation interdite sur le fondement des dispositions de l’article L 211-4 du code de la sécurité intérieure est une infraction prévue par l’article R 644-4 du code pénal.

Si l’administration ne peut soumettre une manifestation à une autorisation préalable, elle peut, au moment de la déclaration de celle-ci, l’interdire lorsqu’elle est de nature à troubler gravement l’ordre public.

Sans aller jusqu’à interdire une manifestation, l’autorité administrative dispose de certains moyens pour assurer le meilleur déroulement de celle-ci, comme la modification de l’horaire ou de l’itinéraire prévu, l’interdiction de certaines banderoles… Elle peut également décider que la manifestation devra prendre la forme uniquement d’un rassemblement statique.

La décision d’interdiction de la tenue d’une manifestation ne peut intervenir qu’après que les organisateurs aient été mis à même de présenter leurs observations écrites (CE, 25-6-03, n°223444). Le juge administratif, en plus de vérifier la réalité de la menace à l’ordre public, doit rechercher, dans un contrôle de proportionnalité, si l’autorité administrative n’avait pas d’autres moyens moins contraignants que l’interdiction pour garantir l’ordre public (CE, 12-11-97, n°169295), comme la mise en place de forces de police plus importantes.

L’interdiction de manifester est prise par un arrêté notifié immédiatement aux organisateurs de la manifestation. Les organisateurs peuvent exercer, contre cet arrêté, un référé-liberté devant le tribunal administratif.

Le référé-liberté permet de demander au juge de prendre en urgence une mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale si l’administration y porte atteinte de manière grave et illégale. Le juge est tenu de statuer dans les 48 heures, l’assistance par un avocat n’étant pas obligatoire. Les parties peuvent faire appel de l’ordonnance de référé devant le Conseil d’État dans un délai de 15 jours. Le Conseil d’État doit également se prononcer dans un délai de 48 heures.

Dans les cas prévus aux articles 222-7 à 222-13 et 222-14-2 du code pénal, lorsque les faits sont commis lors du déroulement de manifestations sur la voie publique, peut être prononcée la peine complémentaire d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, dans les conditions prévues à l’article 131-32-1 (art. 222-47 du code pénal). La peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, qui ne peut excéder une durée de trois ans, emporte la défense de manifester sur la voie publique dans certains lieux déterminés par la juridiction.

Lorsque l’état d’urgence est déclaré, le préfet peut interdire le séjour d’une personne sur le parcours d’une manifestation s’il constitue une menace avérée pour la sécurité et l’ordre public. Hors état d’urgence, le préfet ne dispose pas d’un tel droit.

Le Conseil constitutionnel a censuré l’article 3 de la loi dite « anti-casseurs » permettant à l’autorité administrative, sous certaines conditions, d’interdire à une personne présentant une menace d’une particulière gravité de participer à une manifestation sur la voie publique et, dans certains cas, de prendre part à toute manifestation sur l’ensemble du territoire national pour une durée d’un mois (décision du Conseil constitutionnel du 4 avril 2019 précitée).

A noter que la loi du 10 avril 2019 (loi n°2019-290), visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, autorise les forces de l’ordre à contrôler les effets personnels des passants et les véhicules sur les sites des manifestations et sur leurs abords (art. 78-2-5 du code de procédure pénale). Dorénavant, le fait de dissimuler volontairement tout ou partie de son visage sans motif légitime dans une manifestation est un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (art. 431-9-1 du code pénal).

Pour terminer, il est bon de relever que les manifestations prenant la forme d’une opération « escargot » ne sont licites que dans la mesure où elles n’entraînent pas un blocage total de la circulation (CEDH, 5-3-09, Barraco c/ France, n°31684/05). Une opération « escargot » entraînant l’obstruction complète du trafic va manifestement au-delà de la simple gêne occasionnée par toute manifestation sur la voie publique et justifie une condamnation au titre de l’article L 412-1 du code de la route.

Un employeur ne peut licencier un salarié gréviste pour sa simple participation à une manifestation sur la voie publique, y compris lorsque celle-ci s’effectue dans des conditions dangereuses pour la sécurité des tiers (en l’espèce, il s’agissait d’une manifestation piétonne sur l’autoroute). Il revient à l’employeur de caractériser en quoi, compte tenu de la fonction du salarié et de la nature de l’entreprise, la seule relation du travail pouvait justifier l’interdiction par l’employeur d’exercer une liberté collective en dehors du temps de travail (Cass. soc., 23-5-07, n°05-41374).

S’il est évident que, durant les périodes de travail effectif et en dehors d’un mouvement de grève, l’employeur peut interdire toute réunion ou manifestation dans l’entreprise, en revanche, la Cour de cassation a jugé que rien n’interdisait aux salariés, au cours d’une pause, et en dehors d’une grève, de se réunir pour formuler des revendications (Cass. soc., 18-12-01, n°01-41036).

 

A noter : Sauf disposition spéciale, le juge judiciaire n’a pas compétence pour faire respecter l’ordre sur la voie publique et prévoir dans ce cadre des mesures d’interdiction ou le recours à la force publique. Ainsi, le juge judiciaire ne peut pas interdire à des manifestants d’utiliser des instruments sonores sur la voie publique, ni fixer un périmètre (par exemple autour de l’entreprise) au sein duquel il est interdit de manifester. Un tel pouvoir est uniquement du ressort d’une autorité administrative.

 

 

Le 22 septembre 2022